Saturday, 7 May 2011

[FR] Le 2 mai, une victoire prévisible pour la bourgeoisie

Article paru dans le deuxième numéro du journal Partisan:

Au moment de mettre sous presse, la campagne électorale fédérale vivait ses derniers jours. Malgré l’embellie rapportée par les médias bourgeois pour le Nouveau parti démocratique (NPD), il est à peu près acquis que le Parti conservateur formera le prochain gouvernement. De toute manière, peu importe le résultat final, on sait déjà qu’il n’en sortira rien de bon pour les travailleuses et les travailleurs. La seule inconnue, s’il en est, c’est de savoir si la chute spectaculaire du taux de participation à laquelle on assiste depuis une vingtaine d’années se poursuivra ou si la campagne de propagande menée par les partis et les médias bourgeois aura réussi à l’endiguer.

Comme à l’habitude, à part quelques promesses dont on sait ce qu’elles valent (rien!), la campagne électorale a surtout pris la forme d’un concours de popularité où un peu comme dans une émission de télé-réalité, les électeurs et électrices sont appelés à choisir celui ou celle qui leur semble le plus sympathique. Il y a longtemps que la forme a remplacé le fond dans ce système qu’on nous vante pourtant comme le plus «démocratique» qui soit.

L’élément le plus nouveau de cette élection, et certainement celui qui représente le plus d’espoir pour les travailleurs et les travailleuses, c’est la campagne de boycott que les supporters de ce journal ont appuyée. Organisée à l’initiative du Parti communiste révolutionnaire, cette campagne a rassemblé des militantes et militants du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick. Pour la première fois, le mot d’ordre de boycott des élections a retenti à l’échelle pancanadienne.

Contrairement à ce qu’ont prétendu ceux et celles qui l’ont dénigrée, cette campagne fut tout sauf une manifestation d’apathie par rapport à la manière dont les choses sont organisées dans la société canadienne. En s’abstenant massivement de participer au scrutin, les millions de travailleurs et travailleuses, de jeunes et de membres des Premières nations expriment, chacun à leur façon, leur rejet d’un système qui n’en a que pour les riches et dont ils et elles sont exclues. La campagne de boycott que nous avons menée visait notamment à transformer ce boycott passif en un boycott actif, en favorisant l’expression de notre volonté de vivre dans une société où le pouvoir sera exercé par la majorité laborieuse.

Cette campagne a suscité des réactions opposées et parfois vives dans certains milieux. Sur la rue, dans les lieux de travail et les écoles où elle s’est déroulée, elle n’a laissé personne indifférent. Des centaines, voire des milliers de commentaires ont circulé sur Internet, allant d’un soutien enthousiaste jusqu’à une condamnation pure et simple: certains ont même ouvertement souhaité nous faire taire, au nom du respect des «valeurs démocratiques» (sic), ce qui en dit long sur ce qu’elles sont réellement.

À Toronto, le Comité prolétarien d’action révolutionnaire (Proletarian Revolutionary Action Committee - PRAC) a fait connaître la campagne de boycott en distribuant des tracts et en posant des affiches dans plusieurs quartiers populaires. Le comité a également organisé trois événements publics, dont deux à l’Université de Toronto les 19 mars et 27 avril et l’autre à la librairie Accents le 30 avril, et ses porte-parole ont donné quelques entrevues dans les médias. Cela a permis aux militantes et militants de base d’en savoir plus sur la campagne, d’émettre leurs critiques et suggestions et de discuter de leur implication dans la campagne elle-même et dans la lutte à plus long terme pour l’organisation d’une démocratie directe.

Les gens qui vivent et travaillent dans les quartiers prolétariens où nous avons fait campagne ont exprimé à maintes reprises leur insatisfaction à l’égard du système en place. Les discussions ont été vives et nombreuses quant à la nécessité d’une démocratie populaire réelle et d’un autre type de gouvernement, qui ne mettrait plus l’accent sur les profits d’une poignée au détriment du bien-être de la majorité.

Il en est ressorti que loin d’être apathique, la classe ouvrière est mécontente d’un système qui représente les intérêts des riches et n’offre rien de mieux que quelques miettes. Plusieurs personnes ont exprimé leur colère par rapport au discours pour «la loi et l’ordre», repris désormais par la totalité des partis. On nous aussi a parlé avec véhémence de la brutalité policière vécue quotidiennement dans certaines communautés et du fait qu’il est virtuellement impossible de se tenir dans un endroit public sans être harcelé par la police.

Bien des gens ont exprimé leur dégoût quant au fait qu’aucun des principaux partis ne soit prêt à réaffecter les sommes prévues pour les dépenses militaires à des projets susceptibles d’aider la communauté. Les réductions d’impôt supplémentaires consenties aux capitalistes suscitent clairement la colère, d’autant que rien n’est prévu par les divers partis pour offrir des jobs aux travailleurs et travailleuses actuellement sous-employés et marginalisés; de fait, c’est comme si tous ces bonzes n’avaient aucune considération pour le désarroi qui anime les masses, qui rêvent d’un avenir meilleur pour leurs enfants. Plusieurs personnes ont encouragé les militantes et militants du PRAC à continuer le combat, sachant qu’il n’y a pas d’avenir dans ce système failli et corrompu.

À Ottawa, nos camarades ont là aussi fait activement campagne en faveur du boycott. Après avoir organisé un lancement le 6 avril, les militantes et militants se sont littéralement répandus dans les rues et endroits publics. Les quartiers prolétariens et les terminaux où transitent les travailleurs et travailleuses ont été ciblés afin rejoindre le plus grand nombre de gens durant la courte période de temps qu’a duré la campagne.

La réponse des travailleurs, des travailleuses et des membres de la communauté a été positive; plusieurs nous ont affirmé n’avoir jamais voté et n’avoir surtout pas l’intention de commencer à le faire! Ces gens-là comprenaient très bien le message véhiculé par la campagne.

Interrogé sur la réceptivité des personnes rencontrées, un militant nous a rapporté que «la plupart des gens étaient très favorables» au boycott. «Bien sûr, il y en a qui s’y opposaient, mais cela changeait radicalement dès qu’on quittait les campus et les quartiers plus aisés; la classe ouvrière comprend vraiment qu’il n’y a pas d’avenir, pour elle, dans le système bourgeois. La réceptivité des masses vis-à-vis la campagne m’incite à penser que nous avons adopté une ligne correcte. Nous souhaitons utiliser la campagne comme tremplin pour construire une plus grande présence dans les secteurs ouvriers d’Ottawa et des environs.»

À noter qu’il est arrivé fréquemment que spontanément, lorsqu’on les abordait, les gens nous répondaient ne vouloir rien savoir des élections. Puis, lorsqu’on leur précisait qu’il s’agissait de les boycotter, ils se retournaient et tendaient la main en disant: «OK alors, je vais en prendre un!» Une réaction significative, s’il en est.

Au Québec, où l’identification au gouvernement fédéral est moins forte que dans les autres provinces, la campagne de boycott a généralement été bien reçue. Dans la vieille capitale, les militantes et militants qui ont diffusé le premier numéro de Partisan ont rapidement écoulé les quelque 500 exemplaires qui leur avaient été confiés. Ils et elles nous ont rapporté que la réception fut particulièrement bonne parmi la jeunesse prolétarienne. Il faut croire que les appels à la mobilisation faits par l’humoriste Rick Mercer n’ont pas vraiment eu d’impact dans ce coin de pays…

À Montréal, en plus de la diffusion de Partisan, du journal Le Drapeau rouge et de la déclaration initiale de la campagne, des milliers d’affiches ont été posées dans les quartiers populaires, sur lesquelles apparaissaient ses principaux slogans: «Le pouvoir est dans la rue! Pas de démocratie sans pouvoir populaire!» Plusieurs événements ont été organisés à la Maison Norman Bethune, ainsi qu’un grand rassemblement de fin de campagne dans le quartier Centre-Sud.

La campagne de boycott des élections a également été intégrée à la mobilisation en vue de la manifestation du 1er Mai, organisée par la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC-Montréal). Cette manifestation, qui en est cette année à sa quatrième édition, vise précisément à permettre aux prolétaires et aux opprimées d’exprimer leur rejet du système dominant, dont le cirque électoral est parti prenant.

De manière générale, nous avons constaté un accueil bien différent dans les milieux prolétariens, à comparer aux secteurs de la gauche traditionnelle (syndicats, groupes communautaires, partis…), que l’on croit à tort «plus politisés». Ceux-ci ont encore énormément d’illusions sur l’État et le système bourgeois, ce qui n’est pas nécessairement le cas des travailleurs et travailleuses les plus pauvres, qui savent très bien qu’ils doivent se battre simplement pour survivre.

Comme le disait la Coalition ontarienne anti-pauvreté il y a quelques années: «On ne peut nier l’importante signification politique du fait qu’un nombre croissant de personnes ne voient tout simplement plus de raison d’aller voter. Contrairement à ce que prétendent certains snobs, le large groupe d’abstentionnistes n’est pas constitué de moutons stupides et apathiques. On parle ici de pauvres et de travailleurs et travailleuses qui font quotidiennement de lourds sacrifices et travaillent très fort pour combler les besoins de leurs familles. Ces gens, en réalité, sont capables d’agir de façon extrêmement vigoureuse lorsque quelque chose se produit qui leur apparaît significatif et important. Le processus électoral, toutefois, les laisse complètement froids. Ils et elles ne voient pas de raison d’appuyer tel ou telle candidate, parce qu’en ce qui les concerne, aucun d’eux ne mettra fin aux injustices qui les assaillent. Derrière le sentiment d’indignation un peu passif qui recouvre ce rejet des élections se cache en fait un profond sentiment de colère et de mécontentement. Et lorsque ce sentiment prendra le dessus, il ne prendra certes pas la forme d’une campagne de lettres adressées aux députés...»


[EN] On May 2nd: A Predictable Victory for the Bourgeoisie

Taken from the second edition of Partisan newspaper:

As the federal election campaign comes to a close, we write knowing more or less the results already. Despite the upturn reported by the corporate media for the New Democratic Party (NDP), it is almost certain that the Conservative Party will form the next government. Anyway, whatever the final outcome, we already know it won’t bring anything good for us workers. The only thing we don’t know is whether the dramatic decline in the participation rate will deepen, or if the propaganda campaign waged by the bourgeois parties and the media has managed to contain it for now.

As usual, except for a few promises that we knows are worth nothing, the campaign looked like a popularity contest on a reality TV show, where the voters were asked to choose the guy who looked the most sympathetic. In this system some praise as “the most democratic ever,” the form has long ago replaced the content.

A new element in this election campaign, and certainly one that represents a new hope for workers, is the boycott campaign that supporters of this newspaper have waged. Organized at the initiative of the Revolutionary Communist Party, the campaign brought together activists from Québec, Ontario and New Brunswick. For the first time, the slogan of boycotting the elections has resounded across the country.

Contrary to the claims of some who tried to denigrate it, this campaign has been anything but a manifestation of apathy over how things are going in Canadian society. By massively abstaining, millions of workers, youth and indigenous people will be expressing, each in their own way, their rejection of a system that runs only for the rich. One of the objectives of the boycott campaign was to transform this passive boycott into an active one, by expressing our desire to live in a society where power will be exercised by the working majority.

This campaign has generated strong and sometimes opposing reactions in some quarters. On the streets, in workplaces and schools, it left no one indifferent. Hundreds, even thousands of comments circulated on the Internet, ranging from enthusiastic support to outright condemnation: some have even openly wished to silence us, in the name of respect for “Canadian democratic values” (sic) —which says a lot about what they really are.

The Proletarian Revolutionary Action Committee (PRAC)-Toronto has promoted the boycott campaign through flyering and postering campaigns in several proletarian neighbourhoods across Toronto. The PRAC also organized three public events about campaign (two at the University of Toronto on March 19 and April 27 and one at Accents Bookstore on April 30) and have been interviewed about the campaign by a number of media outlets. These events provided a space for local organizations and activists to learn more about the campaign, voice any suggestions or criticisms and find out how they could get involved in spreading the messages behind the campaign and organizing for direct democracy over the long term.

People, like us, who are living and working in these proletarian neighbourhoods have welcomed the campaign and repeatedly emphasized their dissatisfaction with the democratic system to those who were flyering. Campaign organizers and community members keenly discussed and debated the need for a real people’s democracy and a different kind of government that no longer emphasizes profits over people.

There was common agreement that the working classes are not apathetic, but are in fact disaffected by an electoral system that represents the interests of the rich and throws us a few crumbs to fight over. In particular, people expressed anger at the law-and-order agenda of all the electoral parties and vociferously spoke about being victimized as communities by police brutality, and that they could not simply stand in the streets where they lived and worked without being harassed by the police.

They were disgusted that none of the parties were willing to invest dollars earmarked for defense spending into community infrastructure instead. Communities were furious that further tax cuts were being promised to the capitalists, while none of the candidates were discussing the expansion of better job possibilities for underemployed and marginalized peoples, nor did any of the parties share their feeling of dismay that the future did not look any better for their children. They encouraged members of PRAC-Toronto to keep organizing and mobilizing, as they knew that there was no future in this bankrupt corrupt system.

Comrades in Ottawa have also been actively promoting the 2011 Federal Election Boycott Campaign. After hosting a campaign launch on April 6, our activists hit the streets in force. Proletarian neighbourhoods and terminals, such as bus stops, were targeted with the campaign and this newspaper in order to reach the highest number of working class people possible in the short campaign period.

The response from workers and community members was positive, with many remarking that they had never voted, didn’t intend to start, and understood what the campaign was attempting to draw attention to.

“For the most part people have been pretty supportive,” said one activist when asked about the responses that had been received. “Of course there are some that are against it, but as soon as you move off the campuses and away from the richer parts of Ottawa, the working class really understands that there’s no future in bourgeois politics. The positive attitude of the masses toward the campaign shows me that we adopted the correct line in this case. We’re looking forward to using the campaign to build a bigger presence in working class parts of Ottawa.”

One repeated occurrence saw people rejecting any material or discussion to do with elections, until they saw or heard boycott’ associated with it. “Boycott the elections?!” and then, “Gimme one.”

In Québec, where the identification with the federal government is obviously weaker than in other provinces, the boycott campaign was generally well received. In Québec City, activists who circulated the first issue of Partisan quickly exhausted the 500 copies they asked for. They reported that reception was particularly enthusiastic among the proletarian youth. One should believe that calls for “Youth Vote Mobs” made ​​by comedian Rick Mercer did not have a big impact in that part of the country...

In Montréal, in addition to distributing Partisan, The Red Flag newspaper and the initial statement of the campaign, thousands of posters were placed in popular neighbourhoods, on which appeared its main slogan: “Vote With Your Feet! No Democracy Without Peoples’ Power!” Several events were held at the Norman Bethune Bookstore and a large rally was held in the Centre-Sud district.

The boycott campaign was also part of the mobilization for the May 1st demonstration organized by the Anti-Capitalist Convergence. The event, which is in its fourth anniversary since its resurrection, is intended to enable proletarians and oppressed people to express their rejection of the ruling system, including the electoral circus.

In general, the campaign was received quite differently in proletarian milieu than within the traditional left, mistakenly believed to be “more politicized.” So-called leftists in this country still have a lot of illusions about the state and the bourgeois system, which is not necessarily the case for working poor who are struggling just to survive.

As the Ontario Coalition Against Poverty once said a few years ago: “It is impossible to deny that the vast and rapidly growing portion of the population that sees no reason to go to the polls is a matter of huge political significance. Contrary to the notions of some political snobs, this massive chunk of the population is not made up of stupid and apathetic sheep. They are poor and working people who make sacrifices and work hard to provide for their families. They are capable of acting very vigorously when they see something as meaningful and important. The ‘electoral process’, however, leaves them cold. They see no reason to support a candidate because, as far as they are concerned, ‘none of the above’ will deal with the injustices that beset their lives. Beneath the passive indignation that underlies this rejection of elections is a huge sense of grievance and anger. When it comes to life, it will not take the form of letter writing campaigns to MPPs.”

Tuesday, 3 May 2011




Reflections on the Election Results


The 2011 Canadian Federal Elections are now over and we, the working classes, are finally done watching the latest spectacle akin to the shuffling of deck chairs. The newspaper headlines and political pundits scream about a Harper majority and a Layton surge, the collapse of the Bloc and the Liberals, in desperation to make it sound like that last night was “historic” however, none speak about how little has actually changed. It has been demonstrated time and again in the last six weeks that the NDP, Liberals and the Conservatives differ very little in political program or vision, whether it be on the budget, military spending, law and order etc. The NDP has had to admit that it has in fact adopted the Liberal Party’s platform and have simply rebranded it with the buoyant smile of Jack Layton.
This simply marks a further shift to the right for all of the parliamentary parties, and demonstrates that even basic aspects of a radical program can be won. It simply demonstrates that the parliament exists to protect the interests of corporations and the ruling classes and it is our duty as revolutionaries to continue to show our rage at this system in the streets and organize in our workplaces, schools, and neighborhoods as to build our vision of democracy and society. If in fact these elections do tell us anything it is that working classes of Quebec completely and thoroughly reject the bourgeois nationalist project of the Bloc Quebecois.
Once again after so much ado, little has changed and this is reflected in the polls, which demonstrate that despite the “historic” nature of these elections that 38.6% of registered voters chose not to go to the polls. This is indeed a negligible 2.6% increase in voter turnout since the last elections, which continues to indicate that a large section of Canadians still remain dissatisfied with their options at the ballot box despite all of the media hype about an ‘historic election’ and a ‘NDP surge’. We recognize that the 38.6% of registered voters who did not vote did not also actively boycott the elections as we had called upon them to do, however, we do believe that we have been able to use to campaign to take the first steps in the building of a new revolutionary proletarian movement. - Boycott Sympathizer